Dans ce nouveau numéro, Illusio poursuit son aventure théorique en explorant le vaste thème de la libido. Quelles interprétations, aujourd’hui, sont-elles privilégiées : le plaisir, la
jouissance, la sexualité, la sublimation, le genre, la souffrance, la domination, la performance ? Et, dans une perspective critique, quels sont les intérêts, les enjeux, les illusions qui
construisent et déconstruisent cet objet ? Indissociable du corps, de la sexualité, de la mort et de la vie, la libido est interrogée, notamment, comme pulsion de savoir, d’envie de connaître et
de désir de recherche qui tendent à disparaître à mesure que la sexualité s’expose et s’impose dans les cadres normatifs de la société contemporaine. En effet, si le lien structurel entre le
refoulement sexuel et l’interdiction de penser a été clairement établi par Sigmund Freud, il n’en demeure pas moins que l’explosion « médiatique » du sexe, son omniprésence dans l’espace du
quotidien, son intégration brutale et massive dans les rouages de la société capitaliste tendent aussi à la fonctionnalisation, à l’atrophie, au rabaissement, à la mise en conformité de la
pensée.
Illusio a voulu réaffirmer que si les domaines de la libido et de la sexualité sont plaisirs et jouissances, ils demeurent également souffrances, asservissements,
exploitations et réifications des corps. À cet égard, l’institution sportive est un appareil de pointe dans la perpétuation de la domination des mâles, dans le développement du machisme et de la
phallocratie au travers de la comparaison, du classement et de la hiérarchisation des performances. D’ailleurs, pour assurer la production rationnelle de ces performances sportives, la sexualité
entre dans le champ des paramètres à maîtriser, et l’institution sportive participe activement de la répression sexuelle institutionnelle par le détournement des pulsions libidinales vers le
simulacre de la jouissance du mouvement sportif. Le corps sportif devient ainsi véritable machine à produire du mouvement cadencé, rentable et valorisé, qui fait disparaître toute présence
érotique et sensible au monde. Cette destruction du « corps d’amour » est patente chez les femmes qui ont à subir les réflexions machistes, les gestes déplacés, les assauts et les violences
sexuelles physiques des entraîneurs, cadres techniques, médecins, kinésithérapeutes, ostéopathes, journalistes ou des brutes viriles qui partagent leurs séances quotidiennes ou hebdomadaires
d’entraînement.